Christophe Billoret : « Le baclofène m’a guéri de mon alcoolisme »

– Sciences et Avenir – Publié le 17-01-2015

Après avoir sombré dans l’alcool, Christophe Billoret avait tout perdu, son travail, sa famille, son logement. La rencontre avec le baclofène l’a délivré de son addiction.

Questions à Christophe Billoret auteur d’Il y a toujours un après, les Arènes, 220 p., 17 €

Sciences et Avenir : Vous venez de publier un livre relatant votre expérience de l’alcoolisme et votre traitement à l’aide d’une molécule, le baclofène. À quel moment l’idée de témoigner vous est-elle venue ?

Christophe Billoret : Un ou deux mois après ma guérison. Oui, je parle de « guérison ». Je sais que le terme est inhabituel dans le traitement de l’alcoolisme, presque tabou. Le corps médical préfère le terme « traitement » et n’aime pas du tout celui de « guérison ». Alors, disons que le baclofène est un traitement… qui m’a guéri. (Rires.)

C’est donc à partir de ma guérison que j’ai pris connaissance de l’ampleur des réticences et constaté, y compris parmi mes proches, une forme d’attentisme qui tient à un dogme solidement implanté dans la tête de tout le monde depuis très longtemps et qui pourrait se résumer à : « Il n’est pas possible de soigner l’alcoolisme avec un médicament. » Puisque la seule manière connue et enseignée est celle de l’abstinence.

Sciences et Avenir : Vous connaissez bien le parcours traditionnel de l’alcoolique en demande de traitement ?

Christophe Billoret : Ah, ça, je l’ai même connu de manière approfondie ! J’ai fait trois « postcures » [hébergement thérapeutique après une cure de désintoxication], deux sevrages et j’ai également fréquenté assidûment l’association des Alcooliques Anonymes (AA). Toute la panoplie ! (Rires.) Concernant les traitements, j’ai tout fait, tout suivi, les médicaments inefficaces comme l’Aotal, le Revia et d’autres très dangereux comme un répulsif qui provoque des vomissements et des crises d’épilepsie.

Sciences et Avenir : Pour quel résultat ?

Christophe Billoret : Nul, je dirais… Le système des cures doit être entièrement revu. La manière dont elles sont gérées, au niveau des soins mais également économiquement, est complètement aberrante. Tout comme l’accompagnement psychologique qui va avec, le plus souvent d’un folklore indescriptible. On culpabilise à outrance les malades puisque, selon le dogme en vigueur, la seule chance de survivre serait l’abstinence et rien d’autre. Résultat : on en sort totalement « cassé »… et toujours alcoolique !

Sciences et Avenir : Qu’est-ce qui vous aura permis de sortir de l’alcool ?

Christophe Billoret : L’impulsion initiale fut la lecture du livre témoignage d’Olivier Ameisen Le Dernier Verre [dans lequel ce médecin raconte sa dépendance à l’alcool et son traitement grâce à un médicament, le baclofène]. Je l’ai lu très vite. Je l’ai ensuite lu de nouveau puis relu une troisième fois. J’étais sidéré de voir qu’un médicament existait et pouvait être efficace ! Ce terme de « guérison », je ne l’avais jamais entendu avant. Tout le contraire des AA qui jamais ne s’estiment « guéris » et libérés de la boisson. Il n’y a plus d’alcool chez les AA mais l’alcool reste leur vie et ils y pensent en permanence…

Sciences et Avenir : Vous avez donc décidé de tenter l’expérience ?

Christophe Billoret : La notion d’effet-dose évoquée dans le livre a été déterminante. Elle stipule que chaque alcoolique, indépendamment de sa consommation, a une dose seuil de baclofène qui lui est propre. En décidant de tester ce médicament sur moi, j’avais parfaitement intégré l’idée que le baclofène pourrait très bien ne pas fonctionner et entraîner de nombreux effets secondaires. Heureusement, ça n’a pas été le cas.

Sciences et Avenir : Que faut-il faire selon vous pour que le traitement de l’alcoolodépendance évolue en France ?

Christophe Billoret : Une fois la reconnaissance définitive du produit établie [ce sera le cas dans quelques mois avec le résultat d’études cliniques], l’enjeu sera de mettre en place des formations pour les professionnels de santé car c’est un drame de constater que le baclofène est prescrit hors du circuit institutionnel et que les médecins ne sont pas mieux informés de son usage. Les échecs, forcément nombreux dans un tel cadre, ne manquent pas d’être exploités par les alcoologues pour discréditer une fois encore le baclofène, molécule « génériquée » donc présentant peu d’intérêt marchand.

Sciences et Avenir : Vous remettez également en cause l’abstinence ?

Christophe Billoret : L’accompagnement passe effectivement aussi par la suppression de ce sacro-saint mythe de l’abstinence ! Ce qui ne veut pas dire que l’abstinence ne peut pas être un choix car certains sont parvenus à totalement arrêter de boire par ce biais. Mais, pour d’autres, c’est hors de question. Il faut comprendre que le baclofène ne constitue pas une autorisation de boire : il en offre simplement la possibilité. Moi-même, qui m’estime guéri et libéré de l’alcool depuis près de deux ans, il peut m’arriver de boire un verre de temps en temps. La population alcoolodépendante est extrêmement diverse et il faudrait commencer à en prendre conscience. L’excès de consommation est le seul point commun des alcooliques.

Propos recueillis par Hervé Ratel

Pour en savoir plus : Sciences et Avenir n° 743, 769 et 800, janvier 2009, mars 2011 et octobre 2013.

http://www.sciencesetavenir.fr/sante/20150116.OBS0119/christophe-billoret-le-baclofene-m-a-gueri-de-mon-alcoolisme.html