Médecin cobaye, il guérit son alcoolisme
Michèle Gardette – mardi 16 novembre 2010

la Montagne
Invité à Clermont-Ferrand au colloque « Prescrire du baclofène dans l’alcoolo-dépendance ? » Olivier Ameisen, cardiologue a témoigné de l’utilisation de ce médicament qu’il s’est auto-administré pour mettre fin à sa dépendance alcoolique. Témoignage.

Un sourire chaleureux aux lèvres, il avance dans le bar de l’hôtel où nous avons rendez-vous pour l’interview. Au mur, les bouteilles d’alcool lui font de l’oeil. Mais il ne les voit même pas. Le professeur Olivier Ameisen, médecin et cardiologue à l’Université de l’état de New York est guéri de son alcoolisme. Aujourd’hui, plus aucune envie irrépressible de boire, ce qu’il nomme le « craving ». Son secret : un médicament, le baclofène, qu’il a pris durant quelques mois. C’était en 2004.

Un simple relaxant

Mardi, il a donné une conférence à Clermont-Ferrand lors d’un colloque initié par le CHU clermontois, l’Université d’Auvergne et l’Association nationale de prévention de l’alcoolisme et des addictions. Une des rares interventions qu’il fait en France, contrairement aux États-Unis où il est abondamment sollicité, notamment dans des lieux aussi prestigieux qu’Harvard. Mais dans l’Hexagone, le contexte est différent, polémique, bien que les choses commencent à évoluer (lire par ailleurs).

« L’alcoolisme est une maladie qui ne fait que progresser et j’ai été entraîné dans cette spirale de la descente », témoigne Olivier Ameisen. Chutes, fractures, hospitalisations en urgences. L’enfer. Si bien qu’il prend la décision d’arrêter de travailler pour ne pas nuire à ses patients. « J’ai tout essayé : mille traitements, des mois de cure de désintoxication. À chaque fois, j’étais le bon élève. Mais dès le premier jour de ma sortie, je rechutais. » Tout allait de mal en pis. « J’allais mourir, pourtant je n’en avais pas envie. » Lorsqu’il comprend qu’il est au fond du gouffre, il refuse cette mort pathétique. « J’aurais pu me suicider, mais sachant que l’alcoolisme est une maladie biologique, j’étais convaincu qu’au lendemain de ma mort, un traitement serait découvert. » Ne pouvant se résoudre à cette fatalité, il se lance à corps perdu sur la Toile. C’est en pianotant, qu’il découvre le baclofène. Ce vieux médicament (1960), un relaxant musculaire utilisé en neurologie, aurait permis de réduire l’envie de boire. Une expérience isolée. « Ce qui m’a frappé, c’est le côté relaxant de cette molécule. De nature très anxieuse, j’ai toujours cherché à me relaxer. Sans succès. » Il se fait prescrire du baclofène par un neurologue pour soi-disant ses troubles musculaires Il se documente davantage et découvre une expérimentation sur des rats pour lesquels le baclofène à hautes doses aurait supprimé l’auto-administration de cocaïne.

« À l’époque je ne savais pas que ce médicament était anodin, mais je préférais mourir dans une auto-expérimentation que d’alcoolisme. »

Un protocole à hautes doses

En janvier 2004, il s’établit un protocole à hautes doses de 300 mg par jour. En février de la même année, il découvre que la vision d’un verre d’alcool ne lui procure aucune sensation. Pas de bouffée d’envie. Plus de « craving ». « C’est comme si je regardais un vase. » Un rêve. Le lendemain, même chose. « J’ai diminué un peu la dose à 100 mg par jour pour atténuer un peu l’effet secondaire de somnolence. »

Olivier Ameisen est devenu indifférent à l’alcool. Mais l’alcoolisme est une maladie chronique, alors il poursuit à vie ce traitement. Il assure pouvoir boire de tant à autre un verre. « Ça fait 7 ans, que je suis guéri. Je suis l’un des rares de la planète et je ne peux agir autrement que de le faire partager. »