Un médicament anti-torticolis, le baclofène,  soignerait l’alcoolisme


Alexandra Echkenazi 03.11.2008

Alcoolique depuis dix ans, un medecin repute s’est gueri de cette addiction avec un medicament contre… le torticolis. Lui et d’autres praticiens reclament maintenant des etudes sur cette molecule miracle.

ET SI un simple médicament pour la détente musculaire, utilisé notamment contre le torticolis et connu depuis quarante ans, pouvait vaincre l’alcoolisme ? C’est la thèse explosive développée par le docteur Olivier Ameisen dans un ouvrage qui vient de paraître* et qui fait, depuis, débat dans le monde médical. Ce cardiologue de renommée internationale, âgé de 55 ans, a testé sur lui-même sa théorie.
Après dix années de dépendance à l’alcool, et après avoir essayé en vain tous les traitements existants pour s’en sortir, il a réussi à mettre un terme à sa maladie en s’administrant de sa propre initiative du baclofène, une molécule habituellement prescrite dans des maladies comme la sclérose en plaques ou le torticolis chez l’enfant. Et voilà cinq ans qu’il est déclaré guéri sous traitement.

« Contrairement à ce qui se passe pour les anciens alcooliques, pour lesquels l’abstinence est obligatoire et le risque de rechute très important, je suis devenu totalement indifférent à cette boisson, affirme le médecin. Je peux même boire un verre quand je veux, sans retomber dans la dépendance, ce qui est impensable avec les autres traitements. » Pour l’instant, Olivier Ameisen continue son traitement, sans doute à vie.

« Je n’avais rien à perdre. J’étais à bout »

C’est en feuilletant les études scientifiques internationales menées sur différentes addictions qu’Olivier Ameisen tombe sur une expérience américaine, menée sur du baclofène administré à des rats rendus dépendants à différentes drogues, dont l’alcool. En 2002, après avoir interrogé des amis neurologues sur l’innocuité du médicament, il décide de tester l’effet de cette molécule sur lui. « Comme cela ne marchait pas aux doses habituelles, j’ai décidé de les augmenter. Je n’avais rien à perdre. J’étais à bout », se souvient le médecin. En cinq semaines, le baclofène stoppe l’addiction. « J’ai été effaré par la simplicité du traitement. Comment les spécialistes de la dépendance ont-ils pu passer à côté d’une telle possibilité ?
» s’interroge le praticien.

« 45 000 personnes décèdent chaque année »

Depuis, des études sur l’homme ont été menées aux Etats-Unis, en Italie et en Suisse. « Les résultats sont identiques. Mais le nombre de personnes sur lesquelles le médicament a été testé n’est pas suffisant. C’est pourquoi je demande depuis quatre ans une étude plus vaste. » Olivier Ameisen espère pourtant que les autorités sanitaires vont accélérer les choses et permettre aux plus sévèrement touchés des 5 millions d’alcooliques et buveurs excessifs de l’Hexagone de bénéficier le plus rapidement de ce médicament. « 45 000 personnes décèdent chaque année de cette addiction », rappelle-t-il.

Les alcoologues, eux, sont déjà assaillis de demandes de la part des patients. Pour l’instant, rares sont ceux qui ont décidé de prescrire la molécule, car les effets secondaires d’une utilisation du baclofène à haute dose et sur le long terme ne sont pas connus. « Les seuls effets secondaires de ce médicament sont une légère somnolence en début de traitement », affirme quant à lui Olivier Ameisen, qui a décidé de mettre entre parenthèses sa carrière de cardiologue pour se consacrer entièrement à son nouveau combat.

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