jeudi 23 octobre 2008
Il a trouvé son « remède » contre l’alcool – Daniel FOURAY
O Ameisen
Olivier Ameisen a beaucoup hésité avant de révéler son alcoolisme : « Je suis le premier médecin à le faire publiquement ». : Daniel FOURAY

Côté pile, un brillant cardiologue, célibataire recherché. Côté face, un homme miné par le doute et qui boit. Pour se sortir d’un alcoolisme destructeur, Olivier Ameisen a expérimenté un traitement révolutionnaire à base d’un vieux médicament. Dans un livre,il raconte son incroyable guérison.
L’entretien a lieu à la terrasse d’un café du VIe arrondissement de Paris. À la table d’à côté, un couple sirote un demi. « Avant, je n’aurais vu qu’eux. Là, je ne les avais même pas remarqués ! »

« Avant », c’était il y a cinq ans. Olivier Ameisen était perdu d’alcoolisme. Buveur de fond, que la femme de ménage trouvait le matin sur la moquette, allongé dans le vomi et les morceaux de verre. Cinq fois, dix fois, il avait tenté d’arrêter. Cures de désintoxication, thérapies de groupe chez les Alcooliques anonymes. Des périodes de sevrage. Mais chaque fois, la rechute. Jusqu’à se dire : ah, si un matin, je pouvais ne pas me réveiller !

Pourtant, quels débuts en fanfare dans la vie ! À 16 ans, il passe son bac et entre en fac de médecine. Son don éblouissant pour le piano l’amène devant Arthur Rubinstein. Un morceau de Liszt, un autre de Chopin. « Vous êtes un pianiste fabuleux, cher Monsieur… Laissez tomber la médecine ! » Il devient cardiologue, médecin personnel de Raymond Barre à Matignon pendant son service militaire. Puis part faire carrière aux États-Unis, enseigne à Cornell University, ouvre un cabinet à New York.Tout lui réussit. Des apparences, dit-il.

Depuis des années, Olivier Ameisen doute de lui. Il en est persuadé : ses succès sont des impostures que l’on finira par découvrir. Il n’est pas « cette personne dont le CV épate tout le monde ». L’anxiété l’étreint. Il boit. En secret, d’abord. Mais les doses augmentent, le rythme des cuites s’accélère. Il perd son poste. S’enfonce dans l’alcool. Et finit par rentrer en France en 2000.

Une coupure de journal va le sauver. L’année de son retour, une amie américaine lui envoie un article du New York Times relatant comment un patient cocaïnomane a vu son envie de drogue sensiblement diminuer alors qu’il avait commencé à prendre du baclofène, médicament plutôt inoffensif découvert dans les années 1960pour traiter les spasmes musculaires. Ce « myo-relaxant », souvent prescrit aux paraplégiques ou aux personnes atteintes de sclérose en plaques, aurait-il le même effet pour une addiction à l’alcool ? Olivier Ameisen se pose fugacement la question et range le papier dans un tiroir. Un an plus tard, alors qu’il continue sa dégringolade, il y repense. Des recherches sur Internet et le voici qui se met à y croire pour de bon.

Le 22 mars 2002, il commence à en prendre, d’abord en petites quantités, puis à plus fortes doses. Un vrai risque thérapeutique, à ne conseiller à personne. Mais dans ce cas précis ¯ exceptionnel ? ¯ le résultat est là. L’envie de boire tombe, les périodes d’abstinence s’allongent. La nuit, il dort comme un bébé. Mais, toujours, à intervalles réguliers, ces irrépressibles envies de cuite. Il augmente encore un peu la ration, terrifié à l’idée d’en mourir pendant son sommeil. Rien n’arrive.

Cinq ans ont passé. Aujourd’hui, il se dit totalement sorti de son problème d’alcool. Pour éviter la somnolence, seul effet secondaire détecté, il a réduit sa dose quotidienne. « Non seulement j’arrive à me passer d’alcool, mais je n’y pense même plus. Cela m’est devenu indifférent. Je suis bien dans ma peau, ni anxieux, ni déprimé », confie-t-il.

Grâce au relaxant-musculaire ? Tout le problème est là. Pour le savoir, il faudrait un essai clinique. Or, à ce jour aucun n’a été entrepris. Ce médicament est un « générique » que plus aucun brevet ne protège. « Les laboratoires ne sont pas intéressés : il n’y a pas d’argent à gagner. » La recherche publique ? Pour le moment, rien. « Mais je suis bien décidé à remuer ciel et terre. Ça se fera », assure Olivier Ameisen.

En attendant, il mène une vie normale. Fait de la gymnastique deux fois par semaine. N’exerce pas, mais publie des articles dans des revues spécialisées. Et ne boit plus, ou alors une coupe de champagne, comme l’autre soir, en sortant d’une émission de télévision. « C’est le seul alcool qui me donne un peu de plaisir. Les autres ne me font aucun effet. Vraiment, ça ne m’intéresse plus. »